Tanargue, la montagne aux trois noms

Le Tanargue n’est pas seulement un sommet à gravir. C’est une présence intérieure, une manière d’habiter le monde autrement.

Il y a des montagnes que l’on voit de loin, dont la silhouette s’impose à l’horizon comme une promesse. Le Tanargue est de celles-là. Enveloppé de forêts épaisses et de brumes mouvantes, il veille sur l’Ardèche méridionale comme un dieu discret, silencieux, massif.

Son nom, déjà, murmure autre chose : Tanargue. On y entend l’écho du vieux monde. Certains y reconnaissent l’"Arga", la montagne des anciens dieux celtes. D’autres y voient le "Taranis", dieu du tonnerre. Le Tanargue fut aussi surnommé la Montagne du Tonnerre, et ce n’est pas une légende : il s’y joue d’étranges concerts de vent, de pluie et de craquements dans la pierre. Là-haut, le ciel parle plus fort qu’ailleurs.

Un massif d’ombres et de sources

Le Tanargue n’est pas une montagne unique, mais un massif — une épine dorsale de schiste et de granit, aux crêtes écorchées, qui s’étire entre la vallée de la Beaume et celle de la Borne, non loin des confins de la Lozère. On y grimpe par des sentiers secrets, bordés de genêts, de châtaigniers et de silence.

À ses pieds, des hameaux de pierre se nichent dans les plis du paysage : Loubaresse, Saint-Andéol-de-Fourchades, Borne, La Chavade. Des villages suspendus dans le temps, qui parlent patois, sèchent encore les herbes sur les rebords de fenêtres et connaissent le nom des vents.

Une montagne de passage et de mémoire

Sous ses allures impassibles, le Tanargue a vu passer bien des hommes. Pasteurs, contrebandiers, Résistants… La montagne fut refuge, frontière, chemin de transhumance. Elle garde la mémoire des drailles, ces sentiers ancestraux empruntés par les troupeaux et les hommes, où l’on marche encore avec un sentiment d’étrangeté, comme si l’on entrait dans une épaisseur du temps.

L’hiver, les crêtes sont souvent coupées du monde. La neige s’y attarde. L’été, elles bruissent de lumière et de souffle. Le vent y est roi, sculptant le silence comme un ciseau dans la roche.

Un paysage intérieur

Le Tanargue n’est pas seulement un sommet à gravir. C’est une présence intérieure, une manière d’habiter le monde autrement. Ceux qui y vivent savent qu’il ne se donne pas tout de suite. Il faut le mériter, l’approcher avec lenteur, l’écouter.

C’est peut-être pour cela que nous avons voulu lui dédier ces Cahiers. Non pour en faire le centre, mais un point d’ancrage mouvant. Une montagne comme un seuil, une lisière : entre le visible et l’invisible, entre l’homme et la terre, entre le dire et le taire.

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