Pourquoi Les Cahiers ?
Interview avec Matthias Koch
Fondateur des Cahiers du Tanargue – Revue poétique et géographique des marges
Les Cahiers du Tanargue viennent d’ouvrir leur site en ligne. D’où vient ce projet ?
Je crois qu’il vient d’un besoin très simple : celui de créer un espace libre. Un lieu où l’on puisse écrire, montrer, penser, sans avoir à se justifier, sans se plier aux codes du commentaire culturel, de l’actualité ou du spectaculaire.
Pendant des années, j’ai fait de la photographie. Des séries lentes, parfois silencieuses, souvent inachevées. Et je me suis rendu compte que ce que je cherchais dans l’image, c’était aussi une forme d’écoute — une manière d’habiter le monde autrement.
Et cela a pris la forme d’un site, puis d’une revue ?
Oui. Le site est un laboratoire, un carnet ouvert, une sorte de sentier numérique. Il permet de publier au fil de l’eau des textes, des images, des correspondances, des découvertes. Il vit dans le présent.
La revue papier, Les Cahiers du Tanargue, viendra ensuite. Plus resserrée, plus composée. Elle prendra le temps. Je l’imagine comme un objet à lire et à garder, un cahier de bord à la fois intime et collectif.
Le nom “Tanargue” est très évocateur. Pourquoi ce choix ?
C’est une montagne bien réelle, ici, dans le sud de l’Ardèche. Elle est proche, mais toujours un peu en retrait. Elle ne se laisse pas facilement approcher.
Le Tanargue, c’est un seuil. C’est à la fois une ligne de crête, une zone de passage, un lieu de retrait. C’est une montagne dont le nom vient peut-être de Taranis, le dieu du tonnerre. Mais on peut aussi y entendre une vibration douce, un grondement sourd, quelque chose qui parle sans parler.
Quelle est la philosophie du site ? Qu’est-ce que vous recherchez chez les contributeurs ?
Une attention au monde, plus qu’un savoir. Une manière de dire le paysage, l’intime, les plis du temps.
On cherche des voix qui n’ont pas forcément pignon sur rue. Des écritures en mouvement. Des formes hybrides. De la photographie, du dessin, du texte, des fragments.
Ce n’est pas un lieu de “performance artistique”. C’est un lieu de présence.
Il y a des gens qui écrivent avec des mots, d’autres avec des pierres ou des bouts de ficelle. On est ouvert à ça.
Et l’Ardèche ? Pourquoi y ancrer cette revue ?
Parce que j’y vis. Parce que ce territoire est dense, habité, rugueux, fragile. Il y a ici une tension particulière entre la beauté des paysages et l’effondrement discret d’un certain mode de vie.
C’est une terre de résistance, mais aussi de lente disparition. Il y a peu de voix pour en parler, et pourtant tout est là : le silence, la mémoire, la lumière, l’abandon, la joie des choses simples.
Mais attention : Les Cahiers du Tanargue ne sont pas une revue régionaliste. L’Ardèche en est le point d’ancrage, pas la limite.
Comment voyez-vous l’évolution du projet ?
J’aimerais que ça reste un lieu à échelle humaine.
Publier peu, mais bien. Accueillir des artistes, des écrivains, des promeneurs. Peut-être organiser des lectures, des ateliers, des marches collectives.
J’aimerais aussi ouvrir des ponts entre les formes : faire dialoguer une photographie et un poème, un dessin et un texte de terrain. Et à terme, créer une collection d’ouvrages liés au territoire, aux gestes, aux écologies sensibles.
Un mot pour conclure ?
Oui, peut-être celui-ci : la lenteur n’est pas un luxe, c’est une résistance.
Les Cahiers du Tanargue ne veulent pas courir après quoi que ce soit. Ils veulent simplement faire entendre ce qui ne fait pas de bruit.